Peu de raisons de se réjouir de l’état de la nature en Suisse

Communiqué de BirdLife Suisse du 29 décembre 2016

Rétrospective de l’année 2016

A l’occasion d’une rétrospective de l’état de la biodiversité en Suisse en 2016, BirdLife Suisse tire un bilan peu réjouissant de la situation : pour tous les groupes d’organismes où nous possédons des informations sur leur situation, le degré de menaces est particulièrement élevé en Suisse en comparaison avec les pays limitrophes. Malgré cela, le plan d’action Biodiversité du Conseil fédéral, lancé voici cinq ans, n’est toujours pas en vigueur. Les instances politiques ont toujours l’impression que la Suisse est exemplaire en matière de protection de la nature. Mais une étude publiée en 2016 par l’Office suisse de la Statistique1 révèle que 80% de la population est d’avis que la perte de la diversité biologique a des répercussions plutôt ou très négatives pour l’homme et l’environnement.

Une rétrospective 2016 de la situation de la biodiversité helvétique montre un constat alarmant, illustré par les principaux exemples suivants :

  • Les listes rouges actualisées 2016 montrent que la Suisse ne s’engage pas assez pour freiner l’érosion de la biodiversité. Le degré de menace qui pèse sur les plantes et les animaux est clairement supérieur à celui constaté dans les pays voisins. Pour les mammifères, les oiseaux nicheurs, les reptiles, les amphibiens et les poissons d’eau douce, le taux d’espèces menacées est même le plus élevé.2 La nouvelle liste rouge des coléoptères, publiée en 2016 par la Confédération, montre que ces insectes sont également soumis à des pressions importantes. Au niveau des plantes, la situation n’est pas plus réjouissante : environ un tiers des plantes à fleurs, des fougères, des lycopodes et des prêles sont menacées. La situation des plantes vasculaires a d’ailleurs continué de se dégrader depuis la dernière édition de la liste rouge (2002)3.
     
  • Au niveau des objectifs environnementaux pour l’agriculture, la nécessité d’agir est particulièrement évidente. C’est le constat dressé par un rapport de décembre 2016 publié par les Offices fédéraux de l’environnement (OFEV) et de l’agriculture (OFAG). L’étude a notamment vérifié si les mesures décidées étaient effectivement appliquées sur le terrain. Elle n’a pas évalué si les espèces fortement menacées des milieux cultivés avaient effectivement profité de la politique agricole. Le bilan du rapport aurait été sans aucun doute plus négatif encore : l’exemple des oiseaux nicheurs des milieux cultivés le montre.4
     
  • Au niveau international, les pays signataires de la Convention sur la Biodiversité (CBD) dont la Suisse se sont engagés à atteindre 20 objectifs globaux chiffrés d’ici à 2020. La Conférence des parties contractantes à la Convention s’est tenue en décembre 2016 à Cancùn (Mexique). Un bilan intermédiaire a été tiré à cette occasion : au niveau de l’objectif important visant à augmenter la surface des aires protégées, la Suisse est l’unique pays européen à avoir clairement manqué à son devoir : depuis 2011, date de l’entrée en force des objectifs, elle n’a pratiquement rien entrepris pour améliorer la situation.5
     

Il existe pourtant quelques lueurs d’espoir, là où des mesures ciblées et coordonnées sont entreprises :

  • Juste avant Noël, le plan d’action Chevêche d’Athena Suisse a été publié par l’OFEV en collaboration avec BirdLife Suisse et la Station ornithologique suisse. Il y a quinze ans, l’effectif de cette petite chouette menacée n’était que de 50 couples et avait atteint son plus bas niveau. « Avec de nombreux projet et actions, BirdLife Suisse et ses partenaires ont pu inverser la tendance : cette espèce des milieux cultivés a atteint un nouveau record avec 153 couples nicheurs recensés » se réjouit François Turrian, directeur romand de BirdLife. Le plan d’action national doit permettre de renforcer les mesures pour enfin pouvoir sortir cet oiseau de la liste des candidats à l’extinction6.
     
  • Le Conseil fédéral et le Parlement ont voté un crédit de 55 millions en faveur de mesures urgentes pour la biodiversité. Ces moyens doivent permettre notamment de mieux assurer l’assainissement et la revalorisation des biotopes d’importance nationale. Actuellement, 25 % des sites de reproduction des batraciens, 30 % des zones alluviales, 80 % des haut-marais, 30 % des bas-marais et 20 % des prairies et pâturages secs doivent être assainis en urgence.7

Pour BirdLife Suisse, ces deux bons exemples ne doivent pas rester isolés.Pour François Turrian, le constat est clair : « sans un plan de mesures concrètes et l’approbation du plan d’action biodiversité, la situation de la nature dans notre pays va continuer de se détériorer ». L’année 2017 sera à cet égard cruciale pour vérifier la réelle volonté d’inverser la tendance.

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Plus d’informations

François Turrian, directeur romand, tél. 079 318 77 75, francois.turrian@birdlife.ch
 


(1)  Appréciation du danger pour l’être humain et l’environnement

https://www.bfs.admin.ch/bfs/fr/home/statistiques/espace-environnement/ressources/systeme-indicateurs-environnement/effets-sur-la-societe/appreciation-dangerosite.assetdetail.433239.html


Le graphique montre l’estimation faite par la population suisse de différents dangers pour l’homme et l’environnement. La perte de la biodiversité figure au second rang avec 80% des opinions en catégories « très dangereux » ou « plutôt dangereux ».
 


(2) Listes rouges: pourcentage d’espèces menacées par groupe dans les pays concernés

En rouge: plus haut degré de menace par rapport aux autres pays

Le tableau montre que la Suisse abrite une plus grande proportion d’espèces menacées que les pays limitrophes.
  


(3)  Espèces menacées en Suisse, Office fédéral de la Statistique, 2016 :

https://www.bfs.admin.ch/bfs/fr/home/statistiques/espace-environnement/ressources/systeme-indicateurs-environnement/etat-environnement/animaux-et-plantes-menaces.assetdetail.1645105.html



 


(4) Oiseaux nicheurs : efficacité des objectifs environnementaux pour l’agriculture

Le graphique montre l’évolution des effectifs d’oiseaux nicheurs cible liés aux milieux cultivés. La valeur témoin 1990 est de 100. En 2015, la valeur de l’indice est tombée en dessous de 70.
  


(5) Progrès réalisés dans le cadre de l’objectif 11 (surface des aires protégées) des objectifs d’Aïchi de la CBD.

https://www.cbd.int/doc/nr/assessment-table-2016-11-29-en.pdf

Carte éditée par le WWF.
  


(6) Plan d’action Chevêche d’Athena Suisse

http://www.bafu.admin.ch/publikationen/publikation/01879/index.html?lang=fr
  


(7) Moyens octroyés pour des mesures urgentes en faveur de la biodiversité

http://www.bafu.admin.ch/dokumentation/medieninformation/00962/index.html?lang=fr&msg-id=61729